Le "J'adore les Kikis"
Ne vous méprenez pas, en parlant de Kikis, je ne parle par des parties génitales d'un homme (d'ailleurs appeler ça kiki à mon âge serait un peu ridicule) mais bien de ces espèces de peluches marron, en forme de singe qui ne ressemble à rien! Regardez à gauche et dites moi ce que vous y voyez. Pour moi, ce n'est qu'une vulgaire peluche, douce certes, avec une queue qui suce sa tétine (hhhan, avec les mots "queue" et "suce", je vais m'attirer tous les amateurs de la fellation qui font leurs recherches sur google)!!
Me voilà donc dans une relation sentimentale avec un homme "normal" au demeurant. Bien élévé, propre sur lui, bien bâti, avec une bonne situation... le gendre idéal en quelque sorte. Oula, maheureuse que j'étais, je me suis fourrée le doigt dans l'oeil. Ma relation avec le "J'adore les Kikis" se passait merveilleusement bien. On passait des heures à parler, rire, on se balladait comme de jeunes amoureux, on se bécotait sur les bancs publics, on est même parti en Martinique ensemble. Pas l'ombre d'un nuage me direz-vous.
Quand on a décidé de cohabiter, je me voyais déjà Mme T. Parce que lui aussi le voulait bien. Je me disais l'aimer, je lui disais que je l'aimais et réciproquement. On aménage l'appartement, on passe des heures à monter le lit Ikéa qui devait se monter en trois heures, on passe nos week-ends à chercher de quoi meubler l'appartement. Quel beau couple. En effet, on était un beau couple jusqu'à ce que...
Un soir de mars, le "J'adore les kikis" sort un sac et en fait tomber les vingt Kikis qui y étaient enfermés. Ca faisait au moins quinze ans que je n'en avais plus vus d'aussi près. Je le regarde du coin de l'oeil insinuant "qu'est ce que tu fous avec ça, t'as 29 balais mon grand". Le meilleur reste à venir chers lecteurs assoifés de connaître la suite.
Le sus-dit jeune homme commence à faire les présentations. Parce que
oui, à vingt-neuf ans (2+9 29) il avait donné un nom à chacun de ses
kikis collectors (des bleus, des roses, des jaunes, des verts et des
marrons). Il prenait une voix différente pour chacun et disait "Dorothée mon nom est X", "mon nom est Y".
Je levais les yeux au ciel et ne voulait pas le prendre au sérieux. Le
pire est venu quand on s'est couché sur notre beau et grand lit tout
neuf, prêt à faire des papouilles, quand tout à coup il me dit "bah ils sont où mes kikis?". Je lui réponds qu'ils devaient être dans le salon mais que j'en avais rien à faire. Et lui me rétorque "faut qu'ils soient au lit avec nous". Je m'esclaffe de rire en disant "ah ah ah, t'es trop marrant", et lui sérieux "nan je rigole pas, les kikis doivent se coucher".
Il
est parti les chercher et les a disposés alignés entre nos deux
oreillers et sur la couette. Et moi je les jetais à mesure qu'il les
installait.
Il vouait une adoration pour ces peluches. Tout les matins, après que j'ai fait le lit (parce que bien sûr le "J'adore les kikis" ne sait pas faire un lit...), il plaçait les Kikis sur nos oreilers en leur souhaitant une bonne journée. Je me suis faite traitée de "t'as pas de coeur", "fff, tu comprends rien", et sa grande phrase était "moi je suis très attachée à mes souvenirs d'enfance, si tu comprends pas ça...". Mais si mon amour, je comprends tout à fait mais au point de devenir agressif quand je n'ai pas mes vingt peluches, ça je ne comprends pas. Et être fanatique à ce point, je ne saisis pas en effet. Parce qu'il les faisait parler entre eux, il les caressait, leur faisait des bisous... Un homme avec des manies de petit garçon, ça peut être touchant mais à ce point, je trouvais ça répugnant et grottesque!
Jetez moi la pierre si vous trouvez, vous aussi, que je n'ai pas de coeur.